L’est-éclair
Kenneth Fisher, artiste et artisan du bois
By Lionel Reynier. | Lundi 14 et mardi 15 août 2006

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AUBE-ACTUALITES
RENCONTRE

Installé depuis peu en pays d’Othe, Kenneth Fisher a choisi d’y poursuivre la conception de meubles et d’oeuvres d’art qui l’ont rendu célèbre aux Etats-Unis

S’il en est ici qui rêvent d’Amérique, pour quelques-uns de là-bas, le rêve européen n’est pas forcément celui d’Utopie. Les sages, les réaliser, les talentueux savent bien qu’ils peuvent s’épanouir et réaliser leur projet partout où ils décident de poser leur énergie. Pourquoi pas en France ?

C’est le cas de Kenneth Fisher, Kenny pour les intimes, à la fois artiste; designer
ébéniste, restaurateur de meubles. Un amoureux des belles essences, un passionné de patines et vernis, perfectionniste dans l’âme, la fibre sensuelle, maître en son art. Son ambiance, c’est le bois, rien que le bois, une longue histoire intimement relationnelle, vécue jusqu’à récemment aux Etats-Unis.

Seulement voilà, Kenny Fisher baignait dans une autre histoire d’amour, celle de sa femme, une Français, rencontrée il y a une bonne dizaine d’années. Vivant chacun de part et d’autre de l’Atlantique pour des raisons professionnelles, elle à Paris, ou dans l’Aube avec leurs deux jeunes enfants, réunis seulement deux ou trois mois par an, il fallait prendre une décision pas forcément évidente, Alors il a quitté son grand atelier newyorkais et ses machines pour que tout le monde soit rassemblé, installé dans une ancienne propriété de famille, à Villemoiron, en Forêt d’Othe. Désormais entouré des siens, Kenny s’y rebâtit petit à petit son nid d’artiste-artisan; un nouvel atelier, mais le challenge français n’est pas facile.

De l’horloge monumentale…
Kenny Fisher est un fils de petit agriculteur de l’Indiana. Etudes de biologie, puis quatre années dans les Marines. De retour à la vie civile, en 1974, il prépare une licence à l’université d’Indiana, tout en commençant à travailler le bois avec un ébéniste de renom. Déjà, la sculpture l’intéresse et lui vient alors l’idée d’un projet grandiose, lequel se concrétisera par la réalisation, entre 1975 et 1977, d’une horloge monumentale de 3,90 m de haut en diverses essences savamment conjuguées. “Elle ne fonctionne pas, confie-t-il. C’est seulement une construction Esthétique”. Pas docilement transportable, cette oeuvre imposante est aujourd’hui la propriété d’un collectionneur américain.

A la fin des années 70, Kenny Fisher entre à l’Ecole de design de Rhode Island, où il obtient sa maîtrise d’Art conceptuel en mobilier. Il s’installe alors comme artisan-créateur et ouvre un atelier à New York, puis un autre en Indiana. Il y réalise aussi bien des commandes pour des clients de New York et de Paris, que des restaurations de meubles européens estampillés par les plus grands ébénistes des XVII, XVIII et XIX siècles.

Cette opportunité d’expérimenter son savoir-faire sur du mobilier de différentes époques l’amène à un regard unique d’intégrité esthétique; sculpturale et intemporelle sur sa propre création artistique. Il va créer des meubles, à la fois étonnants, séduisants, d’une douce et puissante harmonie, puisant souvent son inspiration dans la nature. Si bon nombre de ses oeuvres, toujours des pièces uniques, appartiennent à des particuliers, d’autres ont été acquises par des administrations et des musées.

…à la chaise d’agnelage

Et puis est apparue la chaise d’agnelage. On est en 1985. Kenny Fisher est sollicité par une dame d’origine anglaise pour restaurer un fauteuil en bois, hérité de sa mère. L’objet est en mauvais état, et de provenance incertaine. Cependant, une sommité en matière de meubles régionaux britanniques, le professeur Bernard D. Cotton, l’identifie comme“lambing chair” de conception unique, une chaise d’agnelage utilisée aux XVIII et XIX siècles par les bergers d’outre-Manche; pour surveiller confortablement leurs troupeaux de moutons, et notamment, dans l’attente des naissances Kenny lui redonne belle allure,
et sa cliente, comblée, lui en commande une quarantaine de copies pour y asseoir ses convives lors de l’anniversaire de ses 80 ans. Fête au cours de laquelle Kenny
rencontrera sa future épouse, Pascale.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Ce fauteuil, car c’en est un, est tellement séduisant et confortable, original avec son tiroir en façade, que les commandes ne se font pas attendre, et encouragent l’homme de l’art à en fabriquer d’autres. Qu’ils soient en pin, en merisier, en sassafras, en orme ou en noyer, qu’ils soient pour des adultes ou pour des enfants, en standard ou sur mesure, il leur consacre ce même amour du travail bien fait, et de la perfection esthétique.

Lionel Reynier

Contact:
Kenny Fisher
10160 Villemoiron-en-Othe
Tél. 03 25 46 62 20

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